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Remaniement ministériel : une fenêtre d’influence à saisir

Remaniement ministériel : une fenêtre d’influence à saisir
Maude Méthot-Faniel
Directrice, Affaires publiques et gouvernementales
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September 11, 2025

François Legault a annoncé hier un remaniement ministériel très attendu, à un an des élections générales. Objectif : redonner un souffle à un gouvernement au plus bas dans les intentions de vote. Mais les événements des derniers mois ont peut-être déjà scellé le sort : le fiasco de SAAQClic, devenu symbole de l’improvisation et de la mauvaise gestion, a ébranlé, une fois de plus, la confiance du public.

Les sondages confirment la lourde tendance. Selon le plus récent exercice mené par Pallas, la CAQ est désormais quatrième, derrière le PQ, le PLQ et le PCQ. Certaines projections évoquent même un scénario sans siège en 2026. Rarement un gouvernement québécois aura semblé aussi vulnérable. Ce remaniement s’inscrit donc moins dans une dynamique de relance que dans un exercice de gestion de crise.

Ce qui change… et ce qui ne change pas

Les titulaires des portefeuilles stratégiques (Santé, Finances et Économie) demeurent au poste. La continuité prévaut donc dans les centres de décision les plus névralgiques.

Christian Dubé conserve son poste à la Santé avec la lourde tâche de mener à terme une réforme contestée, alors même qu’il a déjà annoncé qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat.

Aux Finances, Éric Girard conserve les rênes dans un contexte budgétaire fragilisé par la hausse des dépenses de l’État et la décote du Québec au printemps. Il sera le ministre des Finances avec le record de longévité : son expérience suffira-t-elle à restaurer la confiance?

Quant à Christine Fréchette, elle demeure à l’Économie et à l’Énergie, un portefeuille où s’entrecroisent la filière batterie, l’attraction d’investissements étrangers et les arbitrages délicats de la transition énergétique.

Ces choix traduisent une volonté claire de ne pas ébranler les piliers économiques, mais aussi l’incapacité du gouvernement à se renouveler là où se joue une bonne partie de la confiance du public.

Des mouvements qui redessinent le terrain

Sonia LeBel prend la tête de l’Éducation, un dossier sous haute surveillance alors que les écoles font face à des défis criants en matière de ressources, d’infrastructures et de persévérance scolaire.

Bernard Drainville est transféré à l’Environnement, un portefeuille dont l’importance électorale ne cesse de croître. Voudra-t-il, à l’image du fédéral, accélérer l’attribution de permis et d’évaluations environnementales? Une approche qui pourrait séduire les promoteurs, mais s’avérer risquée dans un Québec de plus en plus sensible aux enjeux climatiques.

La grande surprise vient de France-Élaine Duranceau, propulsée au Conseil du trésor. Malgré les controverses liées à son style, le premier ministre lui confie les clés d’un ministère qui structure l’ensemble de l’action gouvernementale. Pour les organisations, c’est une interlocutrice incontournable, au cœur des arbitrages financiers et des négociations syndicales.

Ces changements traduisent une volonté de repositionner le gouvernement sur des enjeux visibles. Pour leurs titulaires, la marge de manœuvre est mince et la pression de livrer rapidement, immense.

Ce que cela signifie pour les leaders

Les nouveaux ministres voudront rapidement marquer leur passage. Ils sont à la recherche de dossiers porteurs, d’alliances crédibles et de solutions clés en main.

Les ministres maintenus incarnent la continuité, mais savent que leur marge de manœuvre est limitée par l’impopularité du gouvernement.

Les oppositions, surtout le PQ et le PLQ, se positionnent déjà comme des alternatives de gouvernement. Elles ont besoin d’idées concrètes pour bâtir des plateformes électorales solides et attrayantes.

Le vrai terrain d’influence commence maintenant

Soyons lucides : ce remaniement ne changera pas la trajectoire politique du gouvernement Legault. Mais il ouvre une fenêtre stratégique rare pour les organisations.

C’est le moment d’agir sur deux fronts. D’une part, consolider vos relations avec les ministres actuels et leurs équipes, particulièrement ceux qui entrent en poste et qui cherchent à démontrer leur pertinence. D’autre part, investir dans le dialogue avec les oppositions, qui façonnent déjà les programmes électoraux de 2026.

Le PQ, en tête dans les sondages, travaille à se présenter comme une véritable alternative de gouvernement. Mais son élan repose moins sur la question référendaire, largement mise de côté par population, que sur sa capacité à incarner un changement politique crédible. Le PLQ, de son côté, tente de se repositionner comme force de gouvernance économique et sociale. Tout indique que la dynamique électorale pourrait revenir à une dualité PQ/PLQ, où la compétition se jouera davantage sur la gestion de l’État que sur la question nationale. Quant au PCQ, sa montée confirme que les débats de la prochaine campagne électorale risquent d’être polarisés, obligeant chaque parti à clarifier son positionnement.  

Miser sur le prochain cycle politique

Un remaniement ministériel ne suffit pas à renverser l’usure du pouvoir. Mais il peut offrir aux leaders et organisations les mieux préparés une chance de s’inscrire dans le prochain chapitre politique et économique du Québec.

C’est une invitation à dépasser le réflexe de court terme et à bâtir dès aujourd’hui les relations et les messages qui porteront fruit en 2026. Car le véritable terrain d’influence est déjà là : dans la préparation des oppositions, dans la quête de crédibilité des nouveaux ministres et dans la volonté des électeurs de tourner la page.

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